Communiqué de presse colloque du 28 Janvier 2020 à l’Assemblée Nationale sous le thème: La crise économique et financière au Liban : Quelles solutions pour rétablir la confiance ?

Seance ouverture
Le Forum des Experts Libanais a organisé pour ses 8 ans un colloque exceptionnel à l’Assemblée Nationale le 28 Janvier 2020 sous le thème de :

La crise économique et financière au Liban :

Quelles solutions pour rétablir la confiance ?

Madame Nada Chehab , présidente du Forum des Experts Libanais, avec le soutien du Groupe d’amitié France-Liban et de son Président Monsieur Loïc Kervran, pour redonner confiance dans un pays qui souffre sous le poids d’une crise économique et financière et en présence de Son Excellence Monsieur Rami ADWAN Ambassadeur du Liban en France.

Madame Nada Chehab , nous a rappelé les objectifs de l’association et a proposé trois solutions pour aider le Liban et le peuple libanais à sortir de sa crise . Parmi les solutions proposés pour les libanais dans le besoin, la création d’une aide alimentaire en offrant une carte de crédit maximum 50$ par mois à utiliser seulement dans les tawnieh (super marchés) pour des produits alimentaires.
Pour développer le secteur agricole et industriel , Madame Nada Chehab a proposé un fond d’investissement de micro-finance pour des micro-entreprises dans le secteur agricole et industriel pour les aider à tenir face à un imprévu.
Pour redonner confiance dans le secteur bancaire et assurer un accompagnement des libanais de l’étranger dans la reconstruction des infrastructures nécessaires au Liban et créer des emplois le jour où la bonne gouvernance sera de rigueur un fond d’investissement à l’étranger peut être une solution à explorer.

« Bonne gouvernance, compliance, transparence : Outils de performance durable »

Modératrice : Mme Nadia ESSAYAN, vice-présidente du Groupe d’amitié France-Liban à l’Assemblée Nationale,députée du Cher

Intervenants :

Le Colloque a unit des hommes et des femmes à l’expertise reconnue dans leur domaine . Monsieur l’Ambassadeur  Pierre Duquesne, Délégué interministériel à la Méditerranée, chargé de la conférence CEDRE (Conférence Economique pour le Développement par les Réformes et avec les Entreprises)  a participé à la première table ronde dédiée à l’importance des sujets de bonne gouvernance, compliance et transparence dans une logique de performance durable. Il a notamment présenté les trois piliers sur lesquels repose la CEDRE (projets, réformes, financements) et a indiqué que, si la CEDRE était toujours valable, « la mise en œuvre des mesures et des projets qu’elle contenait étaient plus urgentes que jamais ». Il a également souligné que la demande de réformes de l’opinion publique libanaise était exactement identique à celle de la communauté internationale.

Monsieur Patrick Moulette Chef de la division anti-corruption à l’OCDE, a évoqué le rôle que peut jouer l’OCDE pour les pays à lutter contre la corruption. Le but de l’OCDE est d’aider les pays à être en conformité avec les normes internationales. L’OCDE dispose d’un savoir-faire maitrisé pour aider le Liban mais il faut une demande et une volonté des dirigeants et un budget alloué. Monsieur Moulette a fait plusieurs voyages récents au Liban, ce qui est rare pour un fonctionnaire de l’OCDE.

Madame Fadma Bouharchich, Juriste experte en lutte contre le blanchiment/financement du terrorisme et sanctions financières internationales à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a rappelé de manière générale le rôle de la LCBFT dans l’attractivité d’une place financière, les normes du GAFI en la matière et comment cela contribue à assainir l’économie des pays et renforcer l’attractivité d’un pays. Elle a aussi évoqué le dispositif gel des avoirs en France et  la pratique française en matière de gel des avoirs pour lutter contre le financement du terrorisme. Elle a présenté l’utilisation du gel en France pour entraver le financement du terrorisme et son intérêt pour signaler aux établissements du secteur bancaire les flux à surveiller.

 

Monsieur Jean-Pierre GUINE-Consultant chez NCC-New Concept of Consulting, spécialiste en lutte contre la corruption et la fraude a donné des exemples concrets sur le rôle de l’enquête judiciaire dans l’éthique des affaires et comment le déclenchement d’une enquête est un choc pour les corrompus et les corrupteurs. Même si, généralement, les défenses sont très bonnes, il reste le risque de réputation dont il est difficile de se défaire.

Monsieur Guiné nous a parlé aussi du Principe de souveraineté des États, du mécanisme des Commissions rogatoires Internationales , de la difficulté d’enquêter dans le domaine de la corruption internationale en donnant comme exemple qu’il faut moins d’une seconde pour effectuer 15 virements internationaux et un mois pour obtenir des informations auprès de chaque banque. Monsieur Guiné nous a rappelé le gel des avoirs, le principe de confiscation et restitution des biens mal acquis.
En conclusion , Monsieur Guiné a fait l’éloge de L’ISO un outil de prévention et comment
l’adoption d’une norme librement construite et consentie par les entreprises peut changer les mentalités, la corruption étant une affaire de culture et de contraintes.
 
 

« Rôles des banques libanaises dans le rétablissement de la confiance et le renouveau économique »

Modérateur : M. Farid ARACTINGI, Secrétaire général de la Chambre de Commerce Franco-Libanaise (CCFL)

Intervenants :

28/01/2020 Assemblée Nationale/Paris.
Monsieur Riad OBEGI – Président de la banque BEMO SAL. est pour relancer l’activité économique en reprenant les crédits bancaires. Les banques libanaises ont des liquidités abondantes au Liban. Limiter le crédit ne peut qu’accroître le marasme économique. Malgré les difficultés actuelles, il reste de bonnes entreprises, des capacités importantes et, à mesure que la confiance revient, l’économie retrouvera sa santé. La Banque Bemo a déjà décidé de recommencer à prêter à ses clients et espère que les autres banques la suivent. La crise actuelle prouve avant tout la force intrinsèque de l’économie libanaise et la résilience du peuple libanais. Peu de pays au monde auraient résisté à des guerres à toutes leurs frontières, un afflux de réfugiés représentant 40% de la population et des sorties de liquidités hors du système bancaire pour près de 20 milliards de dollars soit plus de 35% du PIB.
La situation économique est certes mauvaise mais la solution n’est pas de s’entretuer ni de chercher des boucs émissaires. Le Liban et l’Etat libanais n’ont pas besoin de faire faillite, rien ne le justifie hors du sentiment de panique et des jugement à l’emporte-pièce. Les actifs des Libanais et de l’Etat libanais dépassent de loin leurs dettes. Présentement, les Libanais ont près de 4 milliards de dollars en banknotes. Cela fait 10 fois plus que la norme des pays ayant le même niveau de développement que le Liban. Durant les trois dernières années, la balance des paiements a été déficitaire comme elle ne l’a jamais été durant les 50 dernières années. Avec le retour de la confiance, l’argent ressortira de sous les matelas, les transferts reprendront et cela assurera une solide croissance. Cependant, il faut tirer parti de la présente crise pour réformer notre Etat, nos entreprises et surtout notre tissu social. Nous ne pouvons plus négliger nos vieux, nos chômeurs, nos pauvres, nos réfugiés et nos travailleurs étrangers. Dans l’immédiat, pour ranimer l’économie et rétablir rapidement la confiance, la Banque du Liban peut injecter 10 milliards de dollars dans l’économie. Elle en possède plus de 30 milliards auprès d’institutions internationales en sus de 14 milliards en or (qui peuvent être gagés pour emprunter à un taux d’intérêt de moins de 2%). Il est indispensable néanmoins d’écarter toutes les menaces de haircut qui compromettent le rétablissement de la confiance et qui, s’il arrive, détruira durablement le secteur bancaire libanais.
Riad Obegi est pour un système libéral et humain qui peut faire la différence, la force et qui renforce le lien avec la très large diaspora libanaise. Il a parlé en conclusion du CHO (certificat hypothécaire Obegi), un produit bancaire qui peut dynamiser le capital immobilier libanais estimé à 1000 milliards de dollars et ainsi renforcer l’économie nationale.

Monsieur Jean RIACHI -Président du Groupe et CEO de FFA Private Bank SAL a déclaré que la crise actuelle est due à un défaut de gouvernance du secteur public et du secteur bancaire qui n’a pas su profiter des chocs extérieurs positifs de 2001 et 2008 pour s’engager dans une réforme sérieuse des finances publiques et de la structure de l’économie. Il a souligné qu’à l’avenir le secteur financier devra se tourner vers le financement de l’économie réelle plutôt que l’économie de rente .
 

Georges Hyam MALLAT– Associé-gérant de Hyam G. Mallat Law Firm, a axé son intervention sur le rôle que les banques libanaises avec leurs banques étrangères correspondantes peuvent avoir pour le rétablissement de la confiance et le renouveau économique, en ayant recours à un outil d’application que sont les Partenariats Publics Privés (les PPPs). Mais il a tenu à insister sur le fait que la technique envisagée ne saurait peser sans une volonté politique et une action conséquente sans lesquelles le rôle de l’administration se bornerait à gérer la crise actuelle qui, sans vision, risquerait de se transformer en effondrement total.
Il a précisé que dans le cadre du manque de confiance dont souffrent les secteurs politique et public libanais, le recours à cette loi permettrait de solliciter le secteur privé qui déjà bénéficie de la confiance internationale et locale. Ce serait en quelque sorte une délégation d’infrastructures publiques au secteur privé pour accélérer le retour de cette confiance.  En effet, les institutions financières internationales insistent souvent sur la nécessité de privatiser des infrastructures publiques en tant que condition à la mise à disposition de prêts. C’est le cas aussi pour le Liban à qui les bailleurs de fonds ont requis entre autre le recours aux PPPs en contrepartie des 11 milliards de dollars d’aides promises lors de la conférence CEDRE.
Il a ainsi exposé les avantages de la loi sur les PPPs promulguée au Liban en 2017, tant :
– au niveau des compétences, en ce sens que les décisions relatives à l’implémentation et à l’exécution d’un projet PPP sont maintenant coordonnées par un organe indépendant, le Haut Conseil de la Privatisation et du Partenariat, assisté d’une commission de coordination ainsi que de bureaux de suivi spécialisés.
– qu’au niveau de la consistance institutionnelle, car l’implantation d’un projet PPP entrerait maintenant dans le cadre d’une politique d’investissement constante qui permettrait au co-contractant privé d’éviter les aléas des tiraillements politiques pour ne pas répéter les exemples regrettables des contrats de téléphonie mobile et de la poste.
Il a ensuite exposé les divers modes de financements assurés par les banques sur les phases successives de ce genre de projets, ainsi que le mode de remboursement.
Il a conclu en précisant que si les compétences et la consistance institutionnelle sont de nature à assurer le confort nécessaire aux investisseurs internationaux quant à leur perception des infrastructures et du secteur public libanais pour une croissance soutenue de l’activité économique génératrice de stabilité sociale, il n’en demeure pas moins qu’une bonne application de la nouvelle loi est à même de soustraire aux politiques une grande partie de leur emprise sur divers secteurs publics dont l’exemple le plus saillant est aujourd’hui l’Electricité du Liban. Ainsi, le défi majeur de la nouvelle loi réside dans la nécessité de voir le gouvernement lancer le premier PPP pour initier la dynamique PPP et pour que cette loi ne demeure pas longtemps un texte sans application au moment où les infrastructures libanaises accusent une situation critique.

Mme Nada CHEHAB– Fondatrice et dirigeante de NCC-New Concept of Consulting, considère que le système bancaire libanais libre est un des atouts du Liban et que nous devons le soutenir et l’adapter aux exigences internationales en ayant la conviction que la bonne gouvernance, la conformité et la transparence dans le secteur privé ainsi que dans le secteur public sont un gage pour un système qu’on peut refonder et qui pourra devenir un modèle à adopter. Le monde change, il y a un besoin de restructuration et de transformation pour rester compétitif et retrouver la confiance dans un système irréprochable basé sur la bonne gouvernance. Elle considère qu’Il faut une exclusion générale et définitive de la menace de Haircut.
Elle a dit que nous devons nous focaliser sur deux des atouts du Liban, le commerce international et le secteur bancaire. Le commerce international constitue l’une des identités historiques du Liban du fait de son histoire, de sa culture et de son système bancaire, qui a joué un rôle important par son savoir-faire, en formant plusieurs générations dans le domaine bancaire partout dans le monde.
Elle a enchainé sur l’interaction directe entre le commerce international et les banques libanaises, la dégradation de la note souveraine, et les différents risques qui ont été soulignés depuis Décembre 2019, diminuant ainsi le réseau de « Correspondent Banking »
L’effet de cette situation ne pèse pas seulement sur le Liban, mais sur toutes les sociétés libanaises ou ayant un dirigeant libanais ou ceux qui travaillent avec le Liban et les libanais.
Pour les particuliers: les banques étrangères refusent d’ouvrir des comptes pour les libanais.
Les banques libanaises et étrangères ont réduit ou annulé les facilités de leurs clients.
Les banques familiales sont un atout pour le Liban, mais il leur faut coordonner et collaborer entre elles pour y inclure un système de bonne gouvernance, afin de mieux identifier le risque et le gérer. La conformité dans les secteurs public et privé au Liban doit être de rigueur et les experts libanais à l’étranger peuvent être les meilleurs interlocuteurs.
La conformité basée sur une conviction profonde peut faire la différence pour le Liban. Les Libanais à l’étranger, experts dans ce domaine, peuvent être le lien entre leur pays d’origine et la conformité internationale.
La Banque du Liban doit appliquer ce système de bonne gouvernance et donner plus de pouvoir au Président de la commission de contrôle des banques et aux 4 vice-gouverneurs.
Un système de contrôle efficace doit être établi à l’égard des dirigeants et des responsables des secteurs publics et privés pour être jugés et sanctionnés sur base de leur rendement.
Une stratégie de développement du secteur commercial et de financement des commerçants, des industriels et des agriculteurs doit être mise en place.
Une collaboration active doit s’installer entre les entreprises libanaises au Liban et à l’étranger, et réciproquement.
Il faut utiliser les réseaux internationaux pour communiquer les messages de confiance.
Il faut communiquer aussi en toute transparence sur les projets et décisions
Ces mesures permettront selon Mme Chehab :
– à la balance commerciale d’être moins déficitaire du fait que les produits importés vont être moins chers car le PIB va diminuer.
– aux exportations des sociétés libanaises d’augmenter depuis le Liban ou l’étranger.
– aux secteurs agricole, industriel, médical, éducatif… de prospérer du fait que les intérêts vont diminuer ce qui permettra de développer d’autres moyens de ressources.
La Banque de Liban doit inciter une politique de développement de l’activité pour les entreprises libanaises au Liban et hors du Liban.
Les sociétés libanaises ou ayant un dirigeant libanais peuvent être les principaux exportateurs vers le Liban.
Les banques libanaises à l’étranger peuvent jouer un rôle important du fait de la garantie importante (100.000,00 Euro en Europe par compte) et pourquoi ne pas redonner confiance aux épargnants libanais en augmentant le montant minimum garanti par compte de 3.500$ à 100.000,00 $ ?
Il faut profiter de la crise actuelle que traverse le Liban pour créer un modèle unique de collaboration du peuple libanais, à l’intérieur et à l’extérieur des frontières – un modèle de coexistence, de solidarité et d’efficacité.
Nous devons nous appuyer sur nos forces et corriger nos faiblesses.
Nous devons imaginer des solutions, les mettre en œuvre, et avoir confiance en leur succès.

 
En clôture du colloque, Madame Nada Chehab a rappelé que les sujets et les solutions proposées vont faire l’objet d’un sondage afin de pouvoir adresser, après le colloque, un questionnaire qui permettra d’évaluer et de prioriser les solutions proposées aux participants ainsi qu’à tous les membres du Forum des Experts Libanais sur les réseaux sociaux.